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NANA : pourquoi ce manga culte nous obsède encore ?

Dernière mise à jour : 22 avr.



Aujourd’hui, on va parler d’un manga qui a brisé des cœurs, inspiré des relookings punk, et laissé des fans orphelins en pleine crise de codépendance affective. J’ai nommé NANA, de la légendaire Ai Yazawa. Avant même d’avoir ouvert un tome de NANA, mes amis m’appelaient déjà “Hachiko”, comme si ce manga et moi étions voués à nous rencontrer. Et peut-être bien qu’ils avaient raison. Parce que dès les premières pages, NANA n’était pas juste une histoire : c’était un miroir. Un miroir de mes propres obsessions, de mon envie d’indépendance… et même de mon rêve inaltérable de posséder un jour le briquet de Shin, cette pièce iconique de Vivienne Westwood qui me hante depuis mes 14 ans. Alors aujourd’hui, on plonge dans cette œuvre culte qui a marqué une génération… et qui, d’une certaine manière, a aussi façonné la personne que je suis devenue.


Vous pensez que les shôjo, c’est juste des cœurs roses et des triangles amoureux cucul la praline ? Ha ! Approchez, je vous promets que NANA va vous renverser, un peu comme quand tu renverses ton café sur tes notes cinq minutes avant un exam. C’est le manga qui parle de deux femmes qui s’appellent Nana, qui partent à Tokyo, et qui découvrent que la vie d’adulte, c’est pas toujours rose (ou noir, dans le cas de Nana Osaki).


Alors, pourquoi on aborde NANA aujourd’hui ? Parce qu’on est en 2025, et malgré son hiatus depuis 2009, ce manga reste plus vivant que jamais dans le cœur des fans. Il a abordé la dépendance affective, la pression sociale, et la douleur d’une œuvre inachevée. Bref, un vrai aspirateur à émotions ! Si vous ne connaissez pas, préparez-vous à un rollercoaster de sentiments ; si vous connaissez déjà, vous savez de quoi je parle — sortez les mouchoirs et les guitares rock, on y va !


  1. L’univers de NANA : Tokyo, rêves & désillusions.

  2. Les deux Nana : deux façons d’aimer, de (mal) s’aimer et de se perdre.

  3. L’amour et la dépendance affective : le noyau un brin toxique de l’histoire.

  4. Les thèmes brûlants : solitude, illusion du bonheur, pression sur les femmes...

  5. L’impact culturel : pourquoi on est toujours obsédés par NANA ?


Attachez vos ceintures, sortez vos clous punk, c’est parti !


L’UNIVERS – TOKYO, LE MIROIR DES RÊVES & DÉSILLUSIONS


Dans NANA, Tokyo est à la fois un gigantesque terrain de jeu et un piège redoutable. On pourrait croire qu’Ai Yazawa a simplement choisi la capitale japonaise pour son aspect branché, mais c’est beaucoup plus stratégique : elle fait de la ville un personnage à part entière, capable de nourrir autant les ambitions de ses héroïnes que de les broyer. On est en 2000, Hachi et Nana Osaki quittent leur province sans grande perspective, convaincues que Tokyo symbolise la liberté, la modernité et l’aventure. En réalité, c’est un monde adulte, impitoyable, où la solitude peut être plus écrasante qu’au fin fond de la campagne.


Yazawa montre clairement que cette métropole recèle un double visage. D’un côté, la bohème urbaine : on y trouve ces petits appartements minuscules loués à prix d’or, où tout est possible pour qui s’accroche. On s’imagine qu’avec de la détermination, on peut former un groupe de rock, atteindre la gloire et partager son quotidien avec une meilleure amie qui nous comprend. L’ambiance est électrique, propice à l’improvisation : concerts dans des live houses, fringues excentriques, looks punk, soirées improvisées dans de minuscules bars enfumés. On est dans l’euphorie du “ça y est, je vis la grande vie”.


De l’autre côté, il y a le capitalisme bien concret et l’illusion brisée : loyers astronomiques, métro bondé, travail précaire si tu rêves d’arts ou de musique. La ville accueille tes ambitions à bras ouverts, mais elle te jette aussi en pâture à la concurrence, te laisse tomber sans pitié quand ton moral ou ton portefeuille flanchent. Hachi, persuadée de trouver l’amour version comédie romantique, se heurte à la dure réalité d’une grande cité anonyme où le contact humain est souvent superficiel. Quant à Nana Osaki, venue conquérir Tokyo avec sa musique punk, elle s’aperçoit que le succès dépend aussi de jeux de pouvoir, de pressions médiatiques, d’argent. On n’est plus dans la simple envolée bohème, on doit composer avec les producteurs et les labels, sous peine de finir dans l’ombre.


Toute cette dynamique est soulignée par l’importance que prend la musique dans l’histoire. En choisissant de placer un groupe rock féminin (Blast) et un autre plus mainstream (Trapnest) au cœur de Tokyo, Yazawa insiste sur la dualité rêve vs. réalité. Les live houses branchées de Shibuya promettent la liberté créative, mais elles sont aussi un champ de bataille où l’échec menace à chaque coin de rue. Les personnages se produisent sur scène, goûtent à la ferveur du public, puis rentrent chez eux pour réaliser qu’ils n’ont même pas de quoi payer la note d’électricité le mois suivant. Ce contraste permanent entre la flamboyance musicale et la précarité quotidienne reflète l’équation Tokyoïte : on peut devenir quelqu’un, mais on peut aussi tomber de haut, très vite.


Tokyo incarne en fait tous les paradoxes de l’âge adulte décrits dans NANA : on y passe de l’exaltation à l’amertume, on y croit à ses rêves tout en subissant la froide réalité qui rappelle qu’il faut payer son loyer, trouver un vrai boulot, composer avec les relations de pouvoir, l’instabilité émotionnelle, les compromis qu’on s’était juré de ne jamais faire. La ville semble offrir mille opportunités, mais les personnages se retrouvent souvent seuls, malgré la foule incessante. Cette solitude est encore plus mordante qu’en province parce que la métropole a cet effet miroir : elle renvoie aux héros leurs propres limites, leur fragilité, et dans le cas de Hachi ou de Nana, leurs dépendances affectives.


Yazawa dépeint la société japonaise dans toute sa complexité contemporaine. Tokyo apparaît comme le carrefour où s’entremêlent pressions sociales (l’obsession du statut, la crainte de décevoir sa famille), course à la réussite professionnelle, et injonctions autour du rôle des femmes. Hachi expérimente vite l’injonction d’être en couple et “rangée” pour être acceptée, tandis que Nana Osaki, plus bohème et rebelle, doit vite constater qu’une rockeuse sans contrat ne pèse pas lourd dans cette jungle urbaine. Les personnages nouent et dénouent leurs relations dans un environnement qui magnifie leurs failles autant que leurs forces. La capitale force des choix parfois douloureux, accentue les écarts entre aspiration et réalité : un jour, tu te sens pousser des ailes, le lendemain tu te rends compte que tu n’as plus un sou et que ton mec (ou ta meilleure amie) est sur le point de te laisser tomber.


Au final, Tokyo n’est pas un simple décor dans NANA, c’est un catalyseur. La ville révèle le vrai visage de chacun, nourrit l’enthousiasme des débuts, et en même temps brise les illusions si on n’est pas solide. Ai Yazawa ne nous ment pas : cette société peut être génératrice de réussite fulgurante, mais elle sait aussi broyer les rêves plus vite qu’on ne le croit. Contradiction permanente entre le côté excitant du monde adulte (plus de liberté, plus de possibilités) et sa brutalité sourde (traîtrise, pressions économiques, isolement relationnel). C’est exactement pour ça qu’on dit que Tokyo est un personnage : comme une entité vivante, elle prend, elle donne, elle dévore, elle renvoie les héroïnes à leurs failles.


NANA montre donc, à travers Tokyo, la réalité d’une jeunesse qui se heurte au fossé entre ses désirs et les rouages d’une ville où tout s’achète, se négocie, se perd, que ce soit l’amour, l’amitié ou la gloire. Loin de l’image d’Épinal du shôjo tout rose, on assiste à un choc bohème vs capitalisme, rêve vs réalité, qui résume l’entrée dans la vie adulte. C’est une critique sociale acerbe du système japonais — et par extension, de toute société urbaine moderne — qui confronte le romantisme des idéaux à la rugosité du réel. Au final, Tokyo reste cette promesse incandescente d’émancipation, tout en étant la cause de bien des déroutes. Ai Yazawa en fait un décor actif, un miroir cruel qui renvoie aux personnages leurs propres contradictions : tout le charme est là, dans l’amertume et l’adrénaline que procure la ville. C’est cet équilibre instable entre rêve et désillusion qui donne à NANA un ancrage ultra-réaliste et une intensité que peu de mangas shôjo (ou même josei) avaient atteinte jusque-là.


LES DEUX NANA – DEUX VISIONS DE LA VIE & DE L’AMOUR


Le cœur du manga NANA, c’est ce face-à-face entre deux femmes que tout oppose en apparence, mais qui partagent un même prénom et des fêlures intimes. Ai Yazawa a sculpté deux archétypes féminins dont la force et la fragilité se répondent, révélant au passage la variété des dépendances affectives possibles.


Nana Ôsaki : l’indépendante enchaînée


Forte en apparence, traumatisée à l’intérieur

Nana Ôsaki se présente comme la rebelle ultime : look punk, langue bien pendue, style de vie bohème, refus catégorique de se plier aux conventions (mariage, vie de famille, etc.). Elle est littéralement le symbole de la femme “libre” et badass qu’on admire. Sauf que Ai Yazawa a planté un passé très lourd derrière cette façade : abandon maternel, adolescence chaotique et besoin vital de reconnaissance. Cette gamine qui a grandi sans figure stable développe une carapace de fierté pour masquer sa peur d’être à nouveau rejetée.


Fierté et autodérision comme bouclier

Résultat, Nana O. porte un sarcasme permanent. Face à la moindre marque d’affection, elle fait semblant de ne pas en avoir besoin (“Je suis une rockeuse indestructible !”). Mais en réalité, elle se dévalorise intérieurement et se croit condamnée à être abandonnée. C’est un cocktail explosif : plus elle montre son indépendance, plus elle panique dès qu’elle sent quelqu’un s’éloigner. Un simple silence radio de Ren, et son monde s’effondre.


Dépendance toxique : Ren et le rêve de succès

C’est là que se trouve le paradoxe : Nana O. dit “Je n’ai besoin de personne”, mais elle se consume pour Ren, son premier amour. Leur relation est un maelström passionnel où chacun dépend de l’autre pour exister. Quand Ren part à Tokyo pour intégrer Trapnest, Nana se sent trahie et redoute de ne plus être assez importante. Et quand elle le retrouve, des années plus tard, c’est comme si elle devait le retenir à tout prix — quitte à se perdre dans des crises de jalousie. Ce même schéma se répète avec sa musique : elle veut percer avec Blast, prouver qu’elle vaut quelque chose, qu’elle peut être la “grande chanteuse de rock” sans se faire larguer. Son ambition artistique est donc teintée de revanche sur la vie. Mais cette course au succès est au fond une nouvelle forme de dépendance : elle ne peut se sentir libre que si elle est reconnue par le public et ses pairs.


Le paradoxe de la “liberté”

Nana fuit l’idée d’un amour stable par crainte de souffrir, mais elle fuit aussi la solitude, tétanisée à l’idée de n’être “à personne”. Du coup, elle oscille entre l’exaltation d’être une rockeuse indépendante et la détresse émotionnelle d’être à la merci d’un coup de téléphone qui ne vient pas (celui de Ren, de Hachi…). Ai Yazawa, en faisant d’elle une “femme forte” hyper vulnérable, brise le cliché de la badass invincible. Ici, être indépendante, c’est lutter en permanence contre la peur de l’abandon.


  • Casser le cliché de la femme indépendante : Yazawa montre que derrière l’allure “je me suffis à moi-même”, se cache souvent un besoin maladif d’être aimée. On ne naît pas rebelle, on le devient parfois pour se protéger.

  • Une tragédie moderne : le parcours de Nana O. est une tragédie à ciel ouvert, dans laquelle l’ambition (devenir une rockstar) se heurte aux blessures d’enfance. Elle veut prouver sa valeur au monde entier, mais chaque faille l’empêche de se sentir légitime. C’est une métaphore cruelle du fait que la réussite extérieure ne guérit pas les cassures intérieures.


Nana Komatsu (Hachi) : L’amour comme moteur… et prison


Naïve, romantique, mais pas stupide

Nana Komatsu, surnommée Hachi, est le versant “girly” et doux du duo. Elle donne l’impression d’une grande naïveté, toujours à rêvasser d’un prince charmant. Dans les faits, elle n’est pas idiote : elle sent bien quand la situation est malsaine, mais elle est guidée par une peur panique d’être seule. Ça la pousse à se précipiter dans des relations dès qu’un homme lui accorde un regard un peu insistant.


Besoin viscéral d’être aimée

C’est la grande faille de Hachi : son besoin éperdu d’amour lui fait accepter des compromis énormes. Elle supporte le mensonge et la tromperie (Shôji), se laisse manipuler par Takumi (l’archétype du mec autoritaire, charismatique, égoïste) et néglige presque son amitié avec Nana O. au passage. Pour elle, être aimée est plus qu’une envie : c’est une question de survie. Elle a grandi avec l’idée qu’une femme devait trouver un prince charmant, s’y accrocher pour ne pas finir vieille fille.


De la Cendrillon rêveuse… à la femme piégée

Le rêve de Hachi, c’est la belle robe, le mariage, la famille parfaite. Sauf que la réalité lui explose au visage : Shôji la trompe, Takumi est un séducteur ultra-toxique, Nobu arrive trop tard… Elle enchaîne les désillusions et tombe de plus en plus bas dans l’angoisse de la solitude. En fin de compte, c’est un mariage quasi forcé (enceinte de Takumi, elle choisit la “sécurité” financière) qui la propulse dans une vie au confort matériel mais au grand vide affectif. Elle est devenue ce qu’elle craignait : une femme dépendante de son mari, qui la rend profondément malheureuse.


Une maturation douloureuse

Pourtant, Hachi n’est pas qu’une gourde passive : au fil de l’histoire, elle gagne en lucidité, prend conscience de ses choix foireux et tente d’assumer les conséquences. Mais cette “maturation” a un goût amer, parce qu’elle comprend trop tard ce qu’elle a sacrifié (sa liberté, la relation unique avec Nana, la chance d’être vraiment aimée pour ce qu’elle est). Yazawa la fait grandir par la souffrance : plus Hachi perd ses illusions, plus elle réalise que l’amour, ce n’est pas juste un conte de fées.


  • Le syndrome de Cendrillon mis à nu : Hachi est la figure de la jeune femme élevée dans l’idée que sa valeur dépend de l’amour masculin. Yazawa montre à quel point ce schéma est dangereux : on se jette dans les bras de n’importe qui pour combler un vide.

  • Un avertissement sur la dépendance affective : en suivant Hachi, on voit les ravages qu’une quête absolue d’amour peut provoquer. Toutes ses décisions cruciales (venant à Tokyo, se fiancer, etc.) sont dictées par la peur d’être seule, plus que par un choix libre. C’est une mise en garde puissante contre ces relations où l’on confond “être aimé” et “être sauvé”.


Deux visages, un destin parallèle

Ce qui fait la magie de NANA, c’est cette confrontation permanente entre Nana O. et Hachi, deux archétypes inversés de la dépendance affective. L’une proclame son indépendance pour mieux masquer son besoin d’amour, l’autre se jette dans l’amour pour éviter la solitude. Le résultat ? Une amitié fusionnelle où chacune représente une solution illusoire pour l’autre : Hachi admire la force de Nana O. ; Nana O. envie l’aptitude de Hachi à se lier facilement. Pourtant, elles sont prisonnières du même piège : la peur. Peur d’être abandonnée, peur de ne pas être aimée. Ai Yazawa met en scène cette dualité avec un sens aigu du drame : chaque fois qu’on croit que l’une va surmonter son blocage, l’autre s’enlise. C’est comme un miroir : impossible de s’en sortir sans se regarder mutuellement en face.


En fin de compte, ces deux héroïnes incarnent la complexité du féminin dans un contexte moderne : ni la rebelle, ni la romantique, n’arrivent à trouver l’équilibre entre liberté et amour sain. Elles nous montrent l’universalité de la question “suis-je capable d’aimer sans me perdre ?”. C’est précisément pour ça que NANA touche tant de lecteurs : on se reconnaît tous, d’une manière ou d’une autre, dans les angoisses de l’indépendante enchaînée ou de la romantique piégée.


L’AMOUR & LA DÉPENDANCE : LE VÉRITABLE CŒUR DE NANA


Le moteur de NANA, c’est l’amour sous toutes ses formes — surtout les plus tordues. Ai Yazawa dépeint un univers où presque chaque relation s’avère toxique, où l’idéalisme s’écroule face aux failles émotionnelles, et où “être ensemble” rime bien trop souvent avec “se détruire doucement”. L’autrice ne se contente pas de montrer des romances malheureuses ; elle met en lumière la dépendance comme ingrédient quasi inévitable dans chaque histoire. Qu’il s’agisse de passion dévorante, d’attachement financier, de quête de sécurité, on constate que personne n’échappe à cette mécanique.


Pourquoi toutes les relations sont-elles si toxiques ?


Nana & Ren : la passion destructrice

  • Au départ, Ren et Nana incarnent un amour absolu : deux artistes rebelles, fusionnels, épris de liberté. Sauf que leur dépendance mutuelle va devenir leur pire faiblesse. Ren part pour Trapnest, Nana se sent abandonnée, trahie, et la blessure ne se refermera jamais.

  • Chaque fois qu’ils se retrouvent, c’est un brasier d’émotions contradictoires : désir, jalousie, peur panique de l’abandon, pression des médias (pour Ren), sentiment d’infériorité (pour Nana). Cette liaison, censée être la plus “vraie” du manga, s’enlise dans l’addiction, les non-dits, et la culpabilité.

  • Leur amour est si intense qu’il en devient corrosif. Ren bascule dans la drogue pour supporter la solitude, Nana s’accroche à l’idée que leur passion la définit. Ai Yazawa montre ainsi que la “grande histoire d’amour” peut vite devenir un gouffre où l’on se perd.


Hachi & Takumi : Sécurité contre affection

  • Takumi est l’archétype du “prince” qui a tout : charisme, succès, argent. En théorie, il offre à Hachi la stabilité matérielle et la reconnaissance sociale qu’elle cherche depuis toujours. Le problème ? C’est un manipulateur, un playboy sans scrupule qui voit en Hachi une propriété plus qu’une partenaire.

  • Hachi, à la base, veut simplement être aimée et protégée. Elle confond le confort que Takumi lui fournit (appartement, argent) avec la preuve d’amour. Au fond, elle sait qu’il est infidèle et dominateur, mais la peur d’être seule et sans ressources la pousse à accepter son emprise.

  • Cette relation illustre parfaitement la dépendance émotionnelle (Hachi idolâtre Takumi pour combler son vide affectif) et matérielle (elle se retrouve vite dépendante financièrement). Le sentiment amoureux devient alors un contrat tacite où Hachi sacrifie son épanouissement pour être “en sécurité”.


Nobu & Hachi : le bon choix qui arrive trop tard

  • Nobu est le seul personnage à incarner un amour relativement sain, sincère, respectueux. Lui et Hachi se plaisent, semblent sur la même longueur d’onde, et on ressent un espoir de relation véritablement équilibrée…

  • Mais ça capote parce que Hachi, déjà piégée par la grossesse et la pression sociale, ne peut se permettre de choisir Nobu. Elle opte pour Takumi, plus “stable” (matériellement), alors même que Nobu l’aime vraiment.

  • Ce “bon choix raté” montre que chez Yazawa, même la plus belle des intentions (la romance Nobu/Hachi) ne survit pas au réel (le manque de courage, les obligations, la peur financière). La justesse de leurs sentiments n’a aucune chance, ce qui souligne la cruauté du destin — et la force des dépendances.


Analyse : les idéaux romantiques en pièces détachées

Critique des idéaux amoureux toxiques ; Ai Yazawa démonte le fantasme de la “relation parfaite” et du “grand amour inconditionnel”. Que ce soit l’idole rock (Ren), le “prince” fortuné (Takumi) ou l’ami tendre (Nobu), aucun ne parvient à incarner un amour équilibré. L’autrice illustre comment la société japonaise (mais pas que) pousse à sacraliser l’amour en le confondant avec la possession ou la sécurité matérielle. Le manga crie haut et fort : les contes de fées sont un piège si l’on nie la réalité de nos faiblesses.


L’amour comme dépendance sous différentes formes

  • Émotionnelle : Nana Osaki et Ren, Hachi et Takumi, c’est la peur de la solitude qui nourrit la passion ou la soumission. Les personnages se rassurent en restant à deux, quitte à entretenir des dynamiques destructrices.

  • Matérielle : Hachi qui choisit Takumi pour assurer son confort, marier la stabilité financière à sa quête d’affection. Dès lors que l’argent et la notoriété entrent en jeu, la relation se pervertit.

  • Psychologique : chacun projette sur l’autre un idéal ou un sauveur. Hachi veut que Takumi soit son prince, Nana O. veut que Ren soit le musicien qui la sauvera de l’angoisse. Personne n’existe vraiment pour soi-même ; on cherche tous un filet de sécurité.


Aucun modèle sain, un choix délibéréBeaucoup de mangas proposent au moins un couple “lumineux” pour compenser. Dans NANA, il n’y a pas de refuge ; tout l’éventail de l’amour est entaché de dépendances, de mensonges ou d’incapacité à assumer ses désirs. Yazawa ne vend jamais de rêve romantique clé en main. Elle montre des personnages empêtrés dans leur passé, leur contexte social, leurs illusions. 


Pourquoi ce parti pris ? Parce qu’elle veut confronter le lecteur à la dureté des choix : rester seule ou accepter un amour toxique, partir ou se soumettre, se battre pour sa liberté ou s’adapter à des compromis. Toutes les options comportent un prix à payer.


En définitive, NANA ne célèbre pas l’amour comme une délivrance, mais comme un révélateur de nos peurs et de nos contradictions. On se met en couple pour combler un vide, pour échapper à soi-même ou à la précarité, et quand la passion s’en mêle, ça devient un cercle vicieux. Yazawa pose ainsi un regard acerbe et réaliste sur l’idéalisme romantique qui imprègne la société japonaise (et bien d’autres), rappelant qu’aimer ou être aimé ne suffit pas forcément à guérir nos maux. Il y a toujours une transaction cachée, un coût émotionnel, parfois insoutenable.


Ce choix narratif — aucune issue facile — donne à NANA sa puissance dramatique : sans modèle positif pour souffler, chaque lecteur est renvoyé à ses propres questionnements. Faut-il renoncer au rêve d’un amour sans dépendance ? Yazawa ne juge pas, elle décrit les personnages en train de lutter, comme nous tous. C’est précisément ce réalisme cru qui a marqué toute une génération et fait dire qu’au fond, NANA est une grande méditation sur la solitude et la quête d’amour, sans retouches ni illusions.


LES THÈMES CENTRAUX – CE QUI FAIT QUE NANA EST SI RÉALISTE


Ai Yazawa a chargé NANA de thèmes à la fois universels et ancrés dans la culture japonaise, donnant à l’œuvre un réalisme qui frappe de plein fouet. Loin des conventions du shôjo typique, le manga aborde la solitude, la dissonance entre rêves et réalité, le poids du regret, et la pression sociale subie par les femmes. Ces points reviennent en boucle dans l’intrigue et tissent la toile psychologique des personnages.


La solitude et l’illusion du bonheur

La solitude est un poison qui court dans toutes les veines de NANA. Paradoxalement, même quand les personnages sont en couple, entourés ou acclamés (pour ceux qui ont du succès), ils éprouvent un sentiment profond d’isolement. Hachi, par exemple, se marie et devient mère, mais son mari étant souvent absent (et plutôt égoïste), elle se retrouve seule à gérer ses angoisses. Son apparente “réussite familiale” ne comble jamais le vide affectif qu’elle traîne depuis toujours. Dans le même temps, Nana Ôsaki, en tête d’affiche de Blast, se rêve icône rock mais contemple ses nuits blêmes dans l’appartement 707, un espace devenu glacé depuis que Hachi l’a quitté. Sa “famille” punk ne suffit pas à la rassurer, surtout quand elle se compare au Ren de Trapnest, vivant sa vie de rockstar. Ai Yazawa illustre ainsi l’idée que le bonheur n’est pas qu’une question de réussite ou de couple : on peut avoir ce qu’on croit vouloir et être paradoxalement plus seul que jamais.


Les rêves et la réalité qui ne coïncident jamais

L’un des piliers de NANA, c’est cette tension permanente entre l’idéal qu’on se fait du futur et la réalité qui nous rattrape. Les deux Nana débarquent à Tokyo persuadées que la métropole leur apportera ce qu’elles désirent : l’amour pour Hachi, la gloire musicale pour Nana Ôsaki. La période de colocation est une euphorie, comme s’il suffisait de “vouloir” pour y arriver. Puis, très vite, la réalité éclate : Hachi découvre la tromperie, la précarité, la pression de l’argent. Nana Ôsaki pige que l’industrie de la musique est une machine plus sournoise qu’elle ne le pensait, et que le succès ne guérit pas les blessures personnelles. Yazawa met en scène ce fossé en nous montrant des personnages qui, constamment, se disent “une fois que je serai connu(e)/marié(e)/riche… je serai heureux/se”. Mais ils ne le deviennent jamais, parce que leurs problèmes ne viennent pas uniquement de l’extérieur, mais de leurs failles internes.


Le pouvoir du temps et du regret

NANA déploie une narration qui jongle avec le présent et des indices du futur, révélant combien le temps finit par rattraper chaque choix. Hachi, par exemple, regrette amèrement de n’avoir pas choisi Nobu alors qu’elle en avait l’occasion. Une fois enfermée dans son mariage avec Takumi, elle comprend que “si j’avais su plus tôt” n’apporte aucun réconfort — le train est passé. Nana Ôsaki, de son côté, s’accroche à l’idée qu’elle et Ren auraient pu rester ensemble si elle avait tout quitté à l’époque. L’œuvre est remplie de flash-forwards où les personnages, plus âgés, se demandent comment ils en sont arrivés là. Yazawa installe cette ambiance de regrets, de routes non prises. Le lecteur voit que chaque décision peut engendrer des conséquences irrémédiables, intensifiant le sentiment de mélancolie propre à NANA.


Le Japon et la pression sociale sur les femmes

Enfin, NANA fait un portrait sans concession du carcan que peut représenter la société japonaise pour les femmes. On y voit le décalage énorme entre :


  • le modèle “femme au foyer, mère dévouée” (Hachi, enfermée dans un rôle qu’elle n’a pas vraiment choisi)

  • et le modèle “femme libre, indépendante professionnellement” (Nana Ôsaki, qui s’affirme rockeuse mais paie chèrement sa liberté).


Le manga souligne que ni l’une ni l’autre ne s’épanouit simplement : Hachi subit la solitude et la dépendance financière, Nana O. lutte contre l’instabilité et la précarité. Ai Yazawa décrit une société qui punit la femme ambitieuse et qui, en même temps, enferme la femme mariée dans un rôle infantilisant. D’où ce sentiment permanent d’être coincées, de devoir composer avec la pression du regard familial, des normes patriarcales, et de la nécessité de “faire un bon mariage”.


Ces thèmes — solitude, désillusions, regrets, pression socio-culturelle — sont la colonne vertébrale qui fait de NANA une œuvre intensément réaliste. Yazawa ne propose aucun happy end prédigéré, aucun raccourci : elle montre des personnages qui se débattent avec leurs contradictions, leur passé, et les injonctions d’une société exigeante. C’est cette dimension cruelle et imparfaite qui rend NANA fascinant : on y voit la vie telle qu’elle est trop souvent, dans un entrelacs de choix pénibles, d’erreurs assumées trop tard, de relations ambivalentes et de rêves égratignés. En somme, NANA est un miroir impitoyable d’une réalité où l’on se dit souvent : “Et si j’avais fait autrement ?” Pourtant, au milieu de cette dureté, le manga conserve un charme presque magnétique : car c’est précisément dans l’authenticité de la souffrance et des failles que réside la beauté de cette histoire, et la raison pour laquelle elle touche autant de lecteurs depuis des décennies.


L’IMPACT CULTUREL – POURQUOI NANA EST TOUJOURS AUSSI PUISSANT EN 2025


Alors, on pourrait penser qu’un manga démarré en 2000 et stoppé en 2009 aurait fini par tomber aux oubliettes, non ? Pas NANA ! Cette œuvre a laissé une empreinte si forte qu’en 2024, on continue d’en parler, d’en débattre, de la recommander. Pourquoi ? Parce qu’Ai Yazawa a non seulement brisé les codes du shôjo (a.k.a. “les petites histoires d’amour toutes mignonnes”), mais elle l’a fait d’une manière si brutale et si stylée que ça en est devenu légendaire.


D’abord, il faut savoir que NANA figure parmi les premiers shôjo populaires à aborder frontalement la toxicité relationnelle. On voit certes des romances dans d’autres mangas, mais rarement avec cette dimension ultra-réaliste — ici, on parle de dépendance affective, de jalousie destructrice, de manipulation, et même de violence psychologique. Les lecteurs d’il y a vingt ans ont pris ça comme un électrochoc : “Attends, un manga pour filles où les personnages souffrent de vrais problèmes adultes ?!” Ça a ouvert la voie à des titres plus matures, prouvant qu’on pouvait viser un public féminin jeune et adulte sans tomber dans le didactique ou le cucul la praline.


Ensuite, la bande-son de NANA — enfin, l’univers musical qu’Ai Yazawa a imaginé — a littéralement marqué la pop culture japonaise. Les groupes fictifs Blast et Trapnest sont devenus de vraies références : lorsqu’on parle de NANA, tout le monde se souvient des chansons (merci Anna Tsuchiya et Olivia Lufkin dans l’anime) qui ont cartonné dans les charts. Pour beaucoup, ça a été le premier contact avec un shôjo possédant une ambiance rock si poussée. Et côté esthétique, Nana Osaki a popularisé à grande échelle le look punk/Vivienne Westwood, incitant des fans à s’acheter la même bague ou le même collier Saturn. Des cosplay, des lignes de fringues inspirées du manga, des soirées à thème NANA…


Bref, la fusion mode + musique a engendré un phénomène culturel massif. Mais le vrai carburant de ce mythe, c’est l’aspect inachevé du manga. Les lecteurs ont vécu un climax émotionnel de dingue avant que l’autrice ne disparaisse des radars pour raison de santé. Résultat : NANA, c’est l’éternelle question “Est-ce que ça reprendra un jour ?” On a beau hurler sur tous les toits que “ça fait des années, c’est mort”, rien n’y fait : les fans entretiennent l’espoir, parce que ne pas connaître la fin d’une histoire aussi intense, c’est insupportable (et donc passionnant). C’est un peu comme un grand amour qui n’a jamais pu se conclure, ça nous hante, on y repense, on en parle… et la légende s’écrit ainsi.


À côté de ça, NANA reste ultra-contemporain sur les questions de genre et d’amour. En 2024, on se rend compte que la pression faite aux femmes dans la société japonaise (et ailleurs) n’a pas tant changé : le dilemme entre liberté et mariage, entre carrière et maternité, la dépendance affective, etc. Les dynamiques que Yazawa décrivait sont toujours là. D’où cette pertinence intacte. NANA n’a pas besoin d’être fini pour qu’on continue d’y trouver un écho.


  1. Mythe inachevé : tant qu’il n’y a pas de conclusion, l’œuvre hante l’imaginaire collectif.

  2. Toujours d’actualité : la société n’a pas résolu ses problèmes de rapports de force, ni sa vision parfois rétrograde de l’amour et du rôle féminin.

  3. Marqueur générationnel : NANA a propulsé le shôjo vers une forme plus adulte et plus sombre, et ça, ça ne se démode pas.


Et voilà pourquoi, même aujourd’hui, on est encore obsédés par ce manga qui a tout pour nous torturer le cœur. Inachevé, rock, féministe et hyper attachant. On n’est pas sortis de l’auberge, et c’est très bien comme ça !


CONCLUSION – "NANA, L’ŒUVRE QUI TE FAIT GRANDIR"


On arrive à la fin de notre épisode Cappuccino & Croissant spécial NANA. Et s’il y a bien un truc que j’ai envie de souligner, c’est que NANA, ce n’est pas juste une romance dramatique. C’est un miroir dans lequel on voit se refléter nos rêves, nos illusions, nos échecs, et la façon dont on gère tout ça. Qu’on se soit reconnu dans la dépendance de Hachi, dans la fierté blessée de Nana Ôsaki ou dans les sacrifices pro qu’exige la vie artistique, on ressort de cette lecture avec l’impression d’avoir grandi ou compris un truc sur soi.  Ai Yazawa a tapé dans le mille en montrant que l’amour et l’amitié, c’est parfois fait de choix douloureux, de regrets, et d’une honnêteté qui pique un peu (voire beaucoup).


Et toi, c’est quel moment de NANA qui t’a scotché, ému, bouleversé, marqué à vie ? Celui où tu t’es dit : “Ok, je viens de comprendre un truc sur moi-même” ? Viens nous raconter ça sur les réseaux, ou glisse-nous un message vocal : on veut entendre vos anecdotes, vos théories, vos coups de cœur et vos coups de gueule sur cette œuvre inachevée qui nous hante encore.


Merci de nous avoir écoutés aujourd’hui, c’était Cappuccino & Croissant. Prenez soin de vos rêves, gardez un œil sur vos illusions, et n’oubliez pas : parfois, il faut oser se perdre pour mieux se trouver.


Avant de se quitter, petite annonce de service : si vous avez aimé cet épisode spécial NANA, foncez nous suivre sur vos plateformes de podcast préférées, lâchez un petit like ou cinq étoiles, et partagez ça à votre meilleur(e) pote… ou votre pire crush, c’est vous qui voyez !


Côté bonus : si vous aimez nos analyses pop culture, jetez un œil à mes livres, notamment Red Flags et Love Songs, qui vous embarquent dans l’univers de la K-Pop façon backstage (et dramas en coulisses, on aime ça). Et si le spoken word vous titille, rendez-vous sur SoundCloud pour découvrir The Free Verse Chronicles : c’est de la poésie urbaine, moderne et un brin rock’n’roll.


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