top of page
1.png

De Vogue à Riyad : rires achetés, trônes disputés et néons 80’s


ree

Bienvenue dans Cappuccino & Croissant. Aujourd’hui, on change la recette. Jusqu’ici, les épisodes sortaient comme un brunch dominical : copieux, complet, à consommer d’une traite. Désormais, place à l’Expresso Shot. Chaque segment de l’épisode sera diffusé séparément au fil de la semaine, pour vous servir des doses courtes mais corsées de pop culture. Et le dimanche, vous retrouverez l’épisode intégral, accompagné de l’article détaillé sur le site. Bref, le format s’affine : plus de rythme, plus d’intensité, moins d’attente. Comme un espresso bien serré, avec la mousse intellectuelle qui va avec.


Et pour ce premier service à l’italienne, quatre sujets, quatre angles, quatre chocs de culture. On commence par un passage de relais historique : Anna Wintour cède la direction de Vogue US après quarante ans de règne absolu. En héritière désignée, Chloé Malle prend place dans un fauteuil encore brûlant, avec la lourde mission de rendre le magazine à la fois digital et toujours iconique. Un changement qui dit beaucoup plus qu’il n’y paraît : Vogue n’est pas qu’un média, c’est une monarchie — et la succession d’Anna Wintour, c’est un événement politique dans l’empire de la mode.


Puis, direction Toronto, où le TIFF 2025 souffle ses cinquante bougies. Mais cette année, ce n’est pas un festival, c’est un ring. Knives Out 3, Frankenstein de Guillermo del Toro, Hamnet de Chloé Zhao, le biopic coup-de-poing Christy et un documentaire sur John Candy : autant dire que les visions du cinéma s’affrontent à coups de genres, de budgets et de styles. Toronto devient l’arène où s’écrit l’avenir du septième art, et nous, spectateurs, sommes invités à juger le match.


Troisième escale : Riyad. Oui, Riyad. Qui aurait cru que le plus grand festival de comédie au monde se tiendrait en Arabie Saoudite ? Plus de cinquante humoristes internationaux, de Kevin Hart à Whitney Cummings, pour transformer Boulevard City en temple du rire. Mais derrière les punchlines, c’est tout un paradoxe qui se joue : la satire peut-elle s’exporter dans un pays où les libertés sont si limitées ? Le rire comme vitrine diplomatique, ou comme acte de rébellion ? L’événement force la question, et c’est précisément pour ça qu’il mérite notre attention.


Enfin, retour en France — ou presque. Car c’est dans un château provençal que Doja Cat a enregistré Vie, son cinquième album, prévu pour le 26 septembre. Après la noirceur de Scarlet, elle revient en mode disco-pop et néons 80’s, avec un premier single déjà en rotation mondiale. Plus fun, plus romantique, plus assumée, Doja Cat redéfinit son image et s’offre, pour la première fois, une grande tournée mondiale. Au-delà du kitsch et des paillettes, c’est une vraie leçon de stratégie artistique.


Quatre segments, quatre histoires, quatre manières de lire la pop culture contemporaine : comme un théâtre de pouvoir, un ring d’affrontement, une vitrine politique et une renaissance pop. La semaine sera intense, et le dimanche, vous aurez la version intégrale. Préparez vos tasses, servez vos croissants : l’expresso shot de la pop culture est servi.


Vogue, du carré aux pixels : Anna Wintour passe le flambeau à Chloé Malle


ree

Il fallait bien que ça arrive un jour. Anna Wintour, la femme qui a réussi à transformer des lunettes noires en sceptre et un carré en couronne, n’est plus à la tête de l’édition américaine de Vogue. Après presque quatre décennies de règne, elle a décidé de céder son trône. Mais attention, on ne parle pas d’une abdication dramatique façon monarque déchue. Non, Anna fait ce qu’elle a toujours su faire : garder le contrôle. Elle reste Global Editorial Director de Vogue et Chief Content Officer de Condé Nast, autrement dit, la personne qui continue de tirer les ficelles de l’empire depuis les coulisses. Le message est clair : on passe le relais, mais pas la couronne.


Alors qui ose s’asseoir sur ce siège encore chaud ? Chloé Malle, 39 ans, éditrice de Vogue.com, co-animatrice du podcast maison The Run-Through, et… accessoirement fille de Candice Bergen (Murphy Brown, mais aussi Enid, l’éditrice chic de Sex and the City) et du réalisateur Louis Malle. Oui, on est en plein dans l’archétype du “nepo baby” deluxe, mais Chloé revendique autre chose : un parcours construit à force de travail et une ambition de moderniser sans trahir.


Chloé Malle n’a pas été parachutée comme une starlette hollywoodienne. Elle a intégré Vogue en 2011, d’abord dans les coulisses, avant de grimper les échelons et de s’imposer dans la sphère digitale. Elle a dirigé la couverture de mariages prestigieux, comme celui de Naomi Biden, et elle a donné une identité claire au site du magazine. Son ascension ne tient pas seulement à son carnet d’adresses hérité ; elle a su incarner la nouvelle garde de Vogue en ligne, en phase avec les lecteurs qui consomment la mode en scrollant plutôt qu’en feuilletant. Bref, une candidate crédible — et politiquement impeccable pour Condé Nast.


Le timing, lui, est symbolique. Anna Wintour incarne la presse mode telle qu’on l’a connue au XXe siècle : puissante, intimidante, structurée autour de l’imprimé et de ses rituels — les couvertures qui font trembler, les éditos qui dictent les tendances, le Met Gala comme vitrine culturelle et financière. Mais 2025, ce n’est plus 1995. Les codes de la mode ne se définissent plus seulement dans les pages glacées d’un magazine mais aussi sur TikTok, Instagram, et les flux ininterrompus des réseaux. La mode se dématérialise, se démocratise, parfois même se ridiculise (oui, on parle de vous, les coastal cowboys). Et c’est exactement là que Chloé Malle doit entrer en scène.


Sa nomination n’est donc pas qu’un changement de génération : c’est une stratégie. Vogue doit rester une marque phare tout en prouvant qu’elle peut survivre dans un monde où les influenceurs dictent les tendances plus vite qu’un shooting de Mario Testino. La mission de Malle est claire : garder le prestige, mais traduire Vogue en langage numérique, sans que ça sonne comme la énième tentative d’un média papier de “faire jeune” en ajoutant des GIFs. C’est un équilibre subtil : être assez digitale pour rester pertinente, mais assez institutionnelle pour ne pas devenir un simple compte Instagram avec des moyens illimités.

Et Anna dans tout ça ? Elle reste omniprésente, évidemment. Elle supervise toujours la stratégie globale de Condé Nast et continue de tenir les rênes du Met Gala, ce qui veut dire que, symboliquement, la mode ne respire pas sans elle. C’est une semi-retraite à la Wintour : un pas de côté, mais jamais en dehors du cadre. Elle surveille, elle conseille, elle valide. Si Chloé Malle est la reine proclamée, Anna reste la régente.


Reste la grande question : que va devenir Vogue ? La marque est toujours puissante, mais fragilisée par la crise de la presse et la concurrence d’un public plus volage. Les jeunes générations ne lisent pas religieusement le numéro de septembre, elles regardent des défilés en direct sur YouTube et se font une opinion sur Twitter avant même que le papier ne soit imprimé. La survie passe donc par une hybridation assumée : rester une référence imprimée, tout en renforçant sa voix digitale. C’est là que Chloé Malle, avec son profil hybride et son expérience du web, pourrait faire la différence.


Mais soyons lucides : hériter de Wintour, c’est un cadeau empoisonné. Parce qu’après elle, tout paraît plus petit. Chaque décision de Malle sera scrutée, comparée, jugée. Elle devra prouver qu’elle n’est pas seulement “la fille de” ni “la protégée de”, mais bien une éditrice capable d’écrire un nouveau chapitre. Et si elle échoue, ce ne sera pas seulement sa carrière qui sera en jeu, mais la crédibilité de Vogue lui-même.


Alors, succession ou continuité ? Probablement les deux. Wintour reste la figure tutélaire, mais Malle apporte un souffle générationnel. C’est une passation en douceur, pensée pour éviter le chaos. On ne change pas la garde du temple, on la rajeunit juste un peu. Vogue reste fidèle à son ADN : faire de la mode un théâtre, où même les coulisses sont savamment scénarisées. En attendant, retenons ceci : Anna Wintour n’est pas partie, elle a simplement déplacé son bureau à l’étage du dessus. Et Chloé Malle, elle, va devoir prouver qu’on peut régner sur Vogue en talons plus modernes, mais tout aussi redoutables.


TIFF 2025 : le ring du cinéma mondial


ree

Toronto déroule son tapis rouge, mais ne vous y trompez pas : ce n’est pas une simple promenade de stars, c’est un ring. Le Toronto International Film Festival fête sa 50ᵉ édition et s’offre un casting de films qui ressemble à une affiche de boxe grandeur nature. Chaque réalisateur, chaque projet vient défendre sa vision du cinéma, et l’affrontement est clair : franchise contre auteurisme, nostalgie contre innovation, adaptation littéraire contre biopic sang et sueur. Bref, le TIFF ne se contente pas de célébrer le cinéma, il organise sa bataille annuelle pour savoir qui mènera la danse jusqu’aux Oscars — et au-delà.


Dans le coin gauche, le poids lourd des franchises intelligentes : Rian Johnson. Après avoir relancé le whodunit avec un Daniel Craig post-Bond en imperméable, il revient avec Wake Up Dead Man: A Knives Out Mystery. Troisième volet, présenté en première à Toronto, déjà promis à Netflix en décembre. L’enjeu est limpide : prouver qu’une saga peut tenir la distance sans se transformer en soupe réchauffée. Johnson, maître des fausses pistes, joue la carte du crowd-pleaser calibré mais encore assez rusé pour séduire la critique. Bref, le cinéma “popcorn, mais premium”. En face, dans le coin droit, l’auteur gothique : Guillermo del Toro. Avec son Frankenstein, le réalisateur mexicain déploie une fresque somptueuse, baroque, charnelle, après avoir enflammé Venise. À Toronto, il joue la revanche : prouver que l’horreur peut être art, que la monstruosité peut être sublime. Del Toro, c’est le cinéaste qui transforme chaque créature en poème visuel. Son Frankenstein n’est pas un énième remake, c’est une déclaration : le cinéma d’auteur peut encore convoquer le spectaculaire — et rappeler aux plateformes que la vraie grandeur, ça se projette en salle.


Sur la corde prestige, une autre championne : Chloé Zhao. Après l’Oscar de Nomadland et l’échec industriel de Eternals, elle revient avec Hamnet, adaptation du roman de Maggie O’Farrell. Shakespeare, la peste, un casting haut de gamme avec Paul Mescal et Jessie Buckley : tout est prêt pour cocher les cases du film littéraire, noble et intime. C’est le cinéma qui joue la carte du raffinement contre le vacarme, un uppercut tout en douceur, destiné aux jurys et aux critiques. Reste à savoir si le public suivra sur ce terrain.


Mais la surprise du ring, c’est peut-être Sydney Sweeney. Star des séries (Euphoria, The White Lotus), elle endosse le rôle de la boxeuse Christy Martin dans Christy. Biopic coup-de-poing, présenté en première mondiale à Toronto, qui raconte la trajectoire d’une femme combattant sur tous les fronts : le ring, les préjugés, les violences domestiques. C’est un film qui arrive sans gants de velours, avec un récit brut et une star qui veut casser son image de muse sexy pour prouver qu’elle sait encaisser les coups. Et parce qu’un ring a toujours sa part de nostalgie, le TIFF s’ouvre avec un documentaire hommage : John Candy: I Like Me, signé Colin Hanks. Icône canadienne des années 80-90, Candy devient le symbole de cette 50ᵉ édition : un rappel qu’avant les franchises à tiroirs, le cinéma c’était aussi des comédies humaines, imparfaites mais mémorables. La diffusion sur Prime Video en octobre promet un public massif, preuve que même la nostalgie sait s’adapter à l’ère du streaming.


Enfin, le festival garde une carte critique dans la manche : Blue Heron de Sophy Romvari, déjà salué comme le premier chef-d’œuvre du cru. Petit budget, grande ambition, ce film vient rappeler que le TIFF n’est pas qu’une machine à Oscars mais aussi un incubateur pour les voix nouvelles. Et sur un ring saturé de blockbusters et de stars, cette voix-là fait figure de coup de griffe inattendu. Ce qui se joue à Toronto dépasse les films eux-mêmes. C’est une bataille culturelle. D’un côté, les plateformes comme Netflix qui misent sur des sagas capables de drainer les abonnés par millions. De l’autre, les cinéastes-auteurs qui refusent de céder au diktat algorithmique. Entre les deux, les studios qui cherchent encore la formule magique : prestige assez accessible pour le public, mais assez noble pour séduire les critiques. Toronto, c’est le miroir du cinéma contemporain : fragmenté, contradictoire, mais encore capable de créer de l’événement.


Alors qui gagne ce match ? Impossible à dire, et c’est peut-être ça la beauté de l’affaire. Ce n’est pas un K.O. mais un tournoi permanent. Les films repartent avec des deals, des critiques, des buzz — et parfois une place réservée dans la course aux Oscars. Toronto, cette année, ne couronne pas un champion : il met en lumière la pluralité des styles et rappelle que le cinéma, en 2025, n’a pas un seul visage mais une myriade de masques. Et si le TIFF a bien un message à faire passer, c’est celui-ci : tant que le cinéma accepte de se battre sur le ring, il reste vivant. Plateformes, auteurs, franchises, docs intimes ou monstres gothiques — peu importe. L’important, c’est qu’il y ait encore un match à jouer, un public à séduire, et une critique à provoquer. Bref, le cinéma est toujours là. Et il cogne encore.


Riyad, capitale mondiale du stand-up (et des paradoxes)


ree

Il paraît que le rire est universel. Et pourtant, personne n’aurait parié que la nouvelle capitale mondiale de l’humour se trouverait… au milieu du désert saoudien. Du 26 septembre au 9 octobre 2025, Riyad accueille ce qui est officiellement présenté comme le plus grand festival de comédie du monde. Oui, vous avez bien entendu. Pas à New York, pas à Los Angeles, pas à Londres — Riyad. La ville qui, il y a encore dix ans, n’était pas exactement connue pour ses soirées open mic, s’offre aujourd’hui un line-up capable de faire pâlir n’importe quel Comedy Cellar.


Au programme : plus de 50 humoristes internationaux. Et pas des seconds rôles. On parle de Kevin Hart, Russell Peters, Gabriel Iglesias, Pete Davidson, Chris Tucker, mais aussi Aziz Ansari, Bill Burr, Louis C.K., Tom Segura, Jo Koy, Whitney Cummings… bref, la crème (et parfois la crème aigre) du stand-up mondial. De quoi donner le vertige à toute autre scène comique, qui se bat pour réunir une poignée de têtes d’affiche à la même date. Ici, l’Arabie Saoudite sort le chéquier, et pas qu’un peu : le festival est organisé par l’Autorité Générale du Divertissement (GEA), sous l’égide du fameux programme Vision 2030, la vitrine de la diversification culturelle et économique voulue par Mohammed ben Salmane. En apparence, c’est une grande fête : Boulevard City, le quartier de Riyad transformé en parc d’attractions géant, se mue en temple du rire. Des milliers de spectateurs attendus, des shows calibrés pour le streaming, et des billets qui s’arrachent déjà comme des petits pains. Sur le papier, c’est une victoire éclatante pour la diplomatie culturelle saoudienne. Après la Formule 1, la boxe, les concerts pop, voilà que le royaume veut devenir le QG mondial du stand-up. Et pour une industrie du divertissement américaine en crise, difficile de refuser un contrat qui se chiffre à plusieurs millions par performance.


Mais derrière l’affiche glamour, les contradictions sont criantes. Car comment concilier la liberté corrosive du stand-up — ce genre qui prospère précisément sur la critique des puissants, la satire sociale et les tabous — avec un État dont les violations des droits humains restent au centre de toutes les critiques internationales ? Voilà tout le paradoxe du Riyadh Comedy Festival : une vitrine flamboyante pour montrer un visage “moderne”, mais financée par un régime qui n’a rien d’un comique de stand-up. Et certains humoristes n’ont pas tardé à tendre le bâton pour se faire battre. Tim Dillon, par exemple, a été épinglé après avoir plaisanté publiquement que “les Saoudiens le payaient assez pour qu’il ferme les yeux”. Oui, littéralement. La punchline est révélatrice : pour beaucoup, l’événement cristallise la tension entre opportunisme financier et compromission éthique. Derrière chaque vanne se cache une question : jusqu’où peut-on rire quand le cadre même de l’événement incarne ce qu’on dénoncerait ailleurs ?


C’est ici que l’affaire devient fascinante. Car ce festival n’est pas qu’un alignement de stars : c’est une expérience de soft power à ciel ouvert. Comme la Coupe du monde au Qatar ou l’Exposition universelle à Dubaï, l’événement sert à repositionner Riyad sur la carte mondiale du divertissement. Mais contrairement au sport, l’humour n’est pas neutre. Impossible de filtrer toutes les blagues, d’empêcher totalement les punchlines qui dérangent. On imagine déjà la tension dans les coulisses : combien de vannes sur la royauté saoudienne seront “autorisées” ? Quel degré de satire sur les mœurs locales passera la rampe ? Et surtout, que feront ces humoristes quand leurs blagues, retransmises à l’international, résonneront autrement que sur scène ?


Pour le public, le paradoxe est aussi une attraction en soi. Voir Kevin Hart faire un set dans une ville qui, il y a encore quelques années, n’accueillait pas de cinémas publics, c’est déjà un numéro de stand-up grandeur nature. Le contexte devient la blague. Le simple fait que cet événement ait lieu crée une tension ironique permanente, un double niveau de lecture que même les scénaristes de Succession auraient eu du mal à inventer. Et c’est peut-être là que réside la vraie portée culturelle de ce festival. Au-delà des millions dépensés et des têtes d’affiche clinquantes, le Riyadh Comedy Festival pose une question dérangeante : l’humour est-il soluble dans la diplomatie culturelle ? Ou, dit autrement : peut-on exporter la légèreté dans un contexte où le poids politique est si lourd ? Les spectateurs riront, bien sûr. Mais ce rire-là sera teinté de malaise, de second degré involontaire.


En 2025, il y a quelque chose de presque surréaliste à voir Riyad se proclamer capitale mondiale du stand-up. Ce n’est pas seulement un festival : c’est une mise en scène de contradictions, un exercice de communication mondiale qui veut faire croire que le rire est un pont universel. Et peut-être l’est-il — mais un pont peut aussi masquer un gouffre. Alors oui, le Riyadh Comedy Festival sera gigantesque, inédit, saturé de stars. Mais il restera surtout un miroir déformant : celui d’un monde où l’on achète des blagues comme on achète des stades, où le rire devient une monnaie diplomatique. Et quand le rideau tombera, il restera une question que même le plus grand humoriste aura du mal à tourner en dérision : qu’est-ce qui est vraiment drôle, ici — les vannes, ou le contexte qui les rend possibles ?


Doja Cat, renaissance française et pop 80’s


ree

Il y a des albums qui sentent le bitume, d’autres la sueur des clubs. Vie, le cinquième disque de Doja Cat, lui, sent la lavande et les murs épais d’un château provençal. Prévu pour le 26 septembre 2025, enregistré en grande partie au Miraval Studios dans le Sud de la France, ce projet marque un virage assumé : adieu les ombres de Scarlet, place à la lumière, aux synthés 80’s et à une pop décomplexée. Une trajectoire qui dit beaucoup de la stratégie d’une artiste qui a toujours refusé de se laisser enfermer dans une seule case — quitte à se contredire en chemin.


Miraval, c’est plus qu’un studio : c’est une légende. Niché au cœur de la Provence, autrefois repaire des Pink Floyd, désormais propriété glamour souvent associée au clan Jolie-Pitt, il a cette aura rare qui transforme chaque enregistrement en geste symbolique. Pour Doja Cat, y poser ses valises entre 2022 et 2025, c’était se donner le droit d’expérimenter, de se réinventer, loin des polémiques qui collent à sa carrière depuis ses débuts. Là où Scarlet (2023) s’affirmait sombre, agressif, presque conçu pour scandaliser et briser son image mainstream, Vie choisit le contre-pied : le fun, l’amour, la légèreté — mais sans naïveté. Le premier single, Jealous Type, sorti le 21 août 2025, donne le ton. Disco-pop, funk et pop-rap mélangés dans un shaker brillant, produit par Y2K et Jack Antonoff (le pape du revival pop), le morceau grimpe déjà dans les charts — #13 au Royaume-Uni dès la première semaine. Visuellement, Doja s’affiche en costards zébrés, maquillages fluo et esthétique Studio 54 revisitée. Les années 80 reviennent, mais filtrées par l’ironie et le regard d’une artiste qui connaît parfaitement les codes du kitsch — et sait comment les détourner.


Les thématiques de l’album, selon les interviews déjà distillées, tournent autour de l’amour, du sexe, des relations, de la vie intime. Doja elle-même insiste : Vie est plus humoristique, plus tendre, presque plus accessible. Un album “pop-driven”, comme elle le dit, mais pas bêtement sucré : optimiste, romantique, sans jamais abandonner son goût du décalage. C’est une métamorphose stratégique. Après avoir montré qu’elle pouvait rapper avec férocité, provoquer et brouiller son image d’icône mainstream, elle revient au centre du jeu avec un projet calibré pour séduire un public large, sans renoncer à sa personnalité acérée.

Et c’est là qu’il faut comprendre l’enjeu : Doja Cat n’est pas seulement une chanteuse, elle est une stratège. Dans une industrie où l’image compte autant que la musique, elle pratique l’art du zigzag. Un coup, elle choque avec des paroles brutales, un autre, elle séduit avec des refrains pop impeccables. Un album sombre qui divise, suivi d’un album coloré qui rassemble. C’est la danse du marketing moderne, et Doja la maîtrise à la perfection. Vie n’est pas une contradiction, c’est la suite logique d’une carrière pensée comme un jeu d’équilibriste.


Ce projet s’inscrit aussi dans une logique plus large : la grande vague de revival 80’s qui inonde la pop mondiale. Après Dua Lipa, The Weeknd ou Miley Cyrus, Doja Cat prend sa part, mais avec sa propre signature : l’ironie. Là où d’autres rejouent le vintage avec un sérieux presque muséal, Doja en fait un terrain de jeu, oscillant entre sincérité et parodie. C’est probablement ce qui lui permettra de se démarquer dans un marché saturé de néons et de synthétiseurs. Mais Vie ne se limite pas à l’album. Dès novembre, Doja Cat lancera le Ma Vie World Tour, sa première tournée mondiale de grande ampleur, débutant en Nouvelle-Zélande et se terminant à Taïwan en décembre. Douze dates déjà annoncées, toutes promises au succès. Là encore, le message est clair : après avoir brouillé les pistes, Doja se positionne comme une headliner capable de remplir des arènes partout dans le monde.


Alors, que penser de cette métamorphose ? Les cyniques diront que Doja Cat a “abandonné” sa radicalité pour séduire à nouveau les foules. Les optimistes y verront une artiste qui sait naviguer dans l’industrie sans se laisser enfermer. La vérité est peut-être plus simple : Vie reflète un moment de vie. Après la noirceur de Scarlet, il fallait la lumière. Après la rage, la romance. Et qu’on aime ou pas, il faut reconnaître que Doja Cat réussit là où beaucoup échouent : rester imprévisible. En 2025, rares sont les artistes pop capables de susciter autant d’attention avant même la sortie d’un album. Vie est déjà classé parmi les sorties les plus attendues de l’automne. Pas seulement parce que Doja est Doja, mais parce que chaque étape de sa carrière semble calculée pour surprendre. Et cette fois, la surprise est que… tout est assumé. Pas de chaos, pas de clash — juste un retour à la pop, porté par une énergie joyeuse et une esthétique luxuriante. Alors oui, Vie pourrait bien devenir l’album qui réconcilie Doja Cat avec son grand public. Ou au contraire, frustrer ceux qui attendaient encore plus de provocations. Mais dans tous les cas, il s’impose comme un geste fort : la preuve qu’une artiste peut changer de peau sans perdre son identité. Et si le rire est universel, peut-être que la pop colorée l’est tout autant.


Conclusion


Au fond, ces quatre histoires n’ont pas grand-chose en commun. Vogue, le TIFF, Riyad et Doja Cat évoluent dans des sphères différentes : mode, cinéma, humour, musique. Et pourtant, chacune raconte la même chose : le pouvoir de l’image. Anna Wintour qui refuse de disparaître totalement et place son héritière sous surveillance ; un festival de Toronto qui ne se contente plus de célébrer le cinéma mais le transforme en arène mondiale ; Riyad qui achète le rire pour polir son image internationale ; Doja Cat qui redessine son identité artistique à coups de synthés et de paillettes. Partout, la pop culture sert de terrain de jeu à des stratégies plus vastes — politiques, économiques, symboliques.


Et c’est ça, la vérité de 2025 : la culture n’est plus un simple reflet de notre époque, elle est son instrument le plus tranchant. Un festival devient un outil diplomatique, un album une déclaration stratégique, un magazine une dynastie, un humoriste une caution. Rien n’est innocent, tout est calculé, mais tout reste fascinant. Parce que même au milieu des contradictions, des paradoxes et des mises en scène, une chose persiste : notre besoin de vibrer, de rire, de danser, de débattre. En clair, notre besoin de culture, aussi imparfaite soit-elle.


Si vous avez aimé cet épisode et que vous voulez continuer à explorer la pop culture avec nous, abonnez-vous à Cappuccino & Croissant sur votre plateforme préférée et laissez une note — c’est ce qui nous aide à exister et à grandir. Retrouvez aussi nos Expresso Shots chaque semaine, et l’épisode complet chaque dimanche avec son article détaillé sur le site.


Pour prolonger l’expérience, suivez-nous sur les réseaux sociaux — TikTok, Instagram, Threads — où l’on partage les coulisses, des extraits et des réflexions exclusives. Et si vous voulez plonger plus loin, explorez l’univers complet de Cappuccino & Croissant Media : mes livres, ma musique, mes projets créatifs. Tout est connecté, tout fait partie du même studio, et tout est pensé pour nourrir cette conversation avec vous.


Alors servez-vous un café, abonnez-vous, et embarquez avec nous : ce n’est pas juste un podcast, c’est un univers.




Commentaires


bottom of page