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VOCAL RACHA : ce qu’on n’entend jamais dans le vacarme. – Racha Files 3/5

Dernière mise à jour : 30 juil.

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Dans les coulisses de l’industrie K-pop, il y a ceux qui crient, ceux qui dansent, ceux qui produisent… et puis il y a ceux qui chantent. Discrètement. Proprement. Sans tambour, mais avec accord. Aujourd’hui, on entre dans la troisième partie de notre série en cinq épisodes : RA-CHA FILES. Après les cerveaux (3RACHA), après les corps (Dance Racha), on s’attarde sur ce qui donne une âme. Bienvenue dans l’univers de Vocal Racha.


Seungmin. I.N. Woojin. Trois noms, trois voix, trois lignes mélodiques souvent couvertes par les basses. Trois trajectoires aussi différentes que complémentaires. Ils n’ont pas fait de vagues. Ils ont fait des harmoniques. Ils n’ont pas toujours eu la lumière. Mais c’est leur voix qu’on fredonne sous la douche.


On va parler technique vocale, mais aussi silences contractuels. Covers YouTube et disparition numérique. Trot, sarcasme et adieux flous. Et surtout, de la manière dont une “racha” qu’on croyait secondaire est devenue essentielle à l’identité sonore – et émotionnelle – de Stray Kids.


C’est un épisode sur les voix qu’on entend… sans toujours les écouter. Et sur ce qu’il se passe quand l’une d’entre elles s’éteint.


RACHA FILES épisode 3. Cinq segments. Une disparition. Deux survivants. Et des notes qui tiennent encore, même quand le reste s’effondre.


LES ARCHITECTES INVISIBLES


Le rap, c’est sexy. Le bruit, c’est viral. La danse, c’est photogénique. Et au milieu, il y a la voix. Pas celle qui claque. Celle qui tient. Celle qui ne se voit pas dans un fancam mais qui fait toute la différence entre une performance qui vibre et une performance qui tombe à plat. Dans Stray Kids, on parle beaucoup de 3RACHA. On parle de Dance Racha. On parle du concept. Rarement, on parle de ceux qui chantent. Et pourtant, Vocal Racha a toujours été là. Seungmin, I.N, Woojin. Les trois piliers de l’émotion dans un groupe qui mise tout sur l’énergie. Et sans eux, soyons clairs : les prods de 3RACHA seraient juste du bruit. Bien produit, certes. Mais du bruit quand même.


Stray Kids est un groupe qui a explosé par sa proposition radicale : pas de structure traditionnelle, pas de lignes équilibrées entre rap et chant, pas de modèle SM ou BigHit. Une ligne éditoriale sonore quasi brutale, alimentée par une production maison nerveuse, nerveuse, nerveuse. Et dans ce contexte, ce n’est pas un luxe d’avoir des chanteurs solides. C’est une nécessité. Vocal Racha, c’est le liant entre le banger et l’hymne. C’est ce qui fait passer une chanson de “stylée” à “touchante”. Et dans un groupe où tout est rapide, percutant, parfois saturé, la voix chantée est le seul espace de respiration. De texture. De contraste.


Dès les débuts, chaque membre de Vocal Racha a un rôle défini. Woojin, d’abord, est le main vocal. C’est lui qui assure les notes les plus hautes, les refrains intenses, les moments-climax. C’est lui qu’on appelle quand une ligne doit tenir émotionnellement la barre d’un morceau. Woojin a cette voix chaude, pleine, un peu granuleuse, parfaite pour les titres R&B, les ballades nerveuses, les refrains “safe”. Il vient de chez SM, ce n’est pas un hasard : son placement vocal, son contrôle, son vibrato sont d’une stabilité rare pour un rookie. Sur les premiers titres comme "My Pace" ou "I Am You", c’est lui qui installe le relief vocal. Seungmin, lui, est officiellement le vocal secondaire. Mais dans les faits, il est très vite celui qui structure. Sa voix est claire, lumineuse, précise. Il a un sens de la diction qui rend chaque mot audible même dans un mix dense. On le surnomme le “dandy” du groupe, mais vocalement, il est le technicien discret. Capable de tenir une ligne, de monter proprement, de stabiliser une harmonie à trois. Ce n’est pas l’émotion frontale de Woojin, c’est le contrôle émotionnel. Et ça fonctionne. Enfin, I.N, maknae de la bande, arrive en support. À 16 ans, sa voix est encore en cours de construction. Elle est nasale, légèrement pointue, pas encore mûre. Mais elle est distincte. Et surtout : il apprend vite. Très vite.


La construction de Stray Kids, c’est donc un noyau vocal qui repose sur trois voix complémentaires. Dans "My Pace", par exemple, c’est Seungmin qui porte la mélodie centrale du refrain, Woojin qui vient surélever l’ensemble avec des montées puissantes, et I.N qui ancre les harmonies. Sans eux, ce titre deviendrait une suite de riffs agressifs et de chants de stade. Avec eux, il devient une chanson. Dans "I Am You", la sensibilité est frontale. C’est Woojin qui ouvre avec une ligne presque fragile, suivie par Seungmin qui précise l’intention. I.N, sur le pont, ajoute une touche de vulnérabilité qui fait mouche. C’est une démonstration parfaite de l’importance du trio vocal dans l’architecture musicale de Stray Kids.


Mais la vraie démonstration arrive avec "Mixtape #4". Une chanson bonus, cachée sur un album, qui est pourtant l’une des plus importantes pour comprendre l’identité vocale du groupe. Ici, les trois chanteurs sont en avant, sur une base mid-tempo presque gospel. Pas de performance. Juste de la tenue vocale. Woojin y est immense. Il place sa voix au centre, stable, pleine. Seungmin construit autour, et I.N fait les liaisons. C’est sobre. C’est élégant. Et c’est rare. Parce que dans le reste de la discographie de l’époque, le chant est souvent au service du concept. Ici, il est central. Il n’illustre pas, il incarne.


Techniquement, chaque membre évolue. Woojin garde sa voix chaude, mais gagne en puissance dans les registres hauts. Il est à l’aise dans le belting, dans les attaques nettes, dans les ad-libs. Il devient la “voix sûre”. Seungmin, lui, affine sa projection. Son timbre reste brillant, mais gagne en profondeur. Il devient capable d’adapter son style à différentes tonalités, sans jamais forcer. I.N, enfin, progresse à vue d’oreille. Sa voix s’épaissit. Il corrige sa nasalité. Il gagne en justesse. Ce n’est plus un maknae en apprentissage, c’est un vocaliste crédible. Quand il reprend “Creep” de Radiohead en solo, quelques années plus tard, c’est presque une déclaration de guerre aux haters. Le petit chanteur du nez est devenu un frontman rock.


Et au-delà des performances individuelles, c’est le travail d’harmonisation qui marque une vraie progression. Le trio vocal apprend à fonctionner comme un tout. À respirer ensemble. À construire des textures à plusieurs voix. C’est visible dans des lives comme "Voices", dans certaines versions unplugged, ou sur "Waiting For Us", l’unité vocale du mini-album Oddinary. Dans ce morceau, Seungmin et I.N mènent la ligne mélodique avec Lee Know et Bang Chan en support. Woojin n’est plus là, mais le duo restant montre qu’il a absorbé, digéré, dépassé. L’héritage vocal continue.


Il faut comprendre que dans un groupe comme Stray Kids, où le focus est constamment ailleurs — le rap, la prod, la perf — tenir une ligne vocale, c’est un acte de résistance. C’est rappeler que la musique, ce n’est pas que l’impact. C’est aussi l’intention. Et Vocal Racha, dès le départ, a été le vecteur de cette intention. Leur rôle n’était pas de voler la vedette. C’était de permettre à la vedette de tenir debout.


Et pourtant, malgré leur rôle de colonne vertébrale vocale, Vocal Racha n’a jamais été vendue comme telle. Ni sur les jaquettes, ni dans les line-up marketing. Parce que dans l’industrie, ceux qui chantent ne sont pas toujours ceux qu’on met en avant. On leur donne les refrains, pas les micros. On les entend, mais on ne les écoute pas. Et dans le cas de Stray Kids, c’est encore plus vrai : leur signature sonore est tellement associée au bruit, au rap, au chaos contrôlé, qu’on a presque oublié d’analyser ce qui permettait à cette machine de ne pas se désintégrer à chaque mesure.


Alors qu’en réalité, tout tenait à la voix. Pas la plus forte. Pas la plus grave. Pas la plus acclamée. Juste celle qui tenait.


Et dans un groupe qui court constamment contre la montre, contre le marché, contre lui-même, ces voix-là ont peut-être été les seules à garder le tempo.


TROIS SOLITUDES ET UN FANTÔME


Ils sont trois, mais ils n'ont jamais fonctionné comme un trio. Pas de synergie à la 3RACHA. Pas de gimmick comme Dance Racha. Vocal Racha, c’est une constellation asymétrique. Trois pôles. Trois trajectoires. Trois solitudes. Et derrière la complémentarité vocale, une mécanique de personnalités plus fragile qu’il n’y paraît.


I.N, c’est le chaos par le bas. Le plus jeune, celui qu’on veut protéger mais qui finit par désarçonner tout le monde. Officiellement, c’est le maknae. En pratique, c’est le petit frère gremlin que personne n’arrive à canaliser. Il rit à contretemps, parle à voix haute dans les silences, fait des blagues absurdes en plein débrief. Mais c’est pas du bruit pour faire du bruit. C’est une tactique. I.N perturbe le rythme, décentre la dynamique, force les autres à réagir à lui. Et ça marche. Dans les lives, il est capable de glisser un sourire en coin en plein concept dramatique. Dans les émissions, il répond à côté, souvent avec un aplomb désarmant. Il ne veut pas être pris au sérieux, alors il force tout le monde à jouer avec lui. Y compris les plus vieux.


Ce qui le rend aussi insaisissable, c’est ce mélange constant entre autodérision et travail acharné. On se souvient de lui comme d’un gamin qui chantait du trot pendant le survival show, comme d’un gamin qui tenait difficilement ses lignes en 2018, mais ce qu’on oublie, c’est à quel point il a absorbé, appris, compensé. À peine un an de training. Aucune formation “classique”. Et pourtant, il est là, cinq ans plus tard, à tenir un cover de Radiohead guitare-voix, à chanter seul devant des dizaines de milliers de personnes. Ce n’est pas de l’impro. C’est une revanche.


En miroir, il y a Seungmin. Presque son opposé. Calme, méthodique, précis. Celui qui ne se perd jamais dans une vanne gratuite. Celui qui n’interrompt pas. Celui qui attend, puis frappe — avec une punchline glacée, un regard sarcastique, une vérité mal polie. C’est un sniper. Pas bruyant. Pas démonstratif. Juste percutant. En surface, il incarne la stabilité. C’est lui qu’on imagine lever les yeux au ciel quand tout part en vrille. C’est lui qui tient les morning calls en tournée. C’est lui qui se prend au sérieux… jusqu’à ce qu’il se moque de lui-même dans la phrase suivante. Son humour est tellement sec qu’il faut parfois le décoder en post-prod.


Et vocalement, c’est pareil. Il ne cherche pas à en mettre plein la vue. Il veut que chaque note soit juste. Chaque appui réfléchi. Dans un monde où beaucoup de chanteurs cherchent la montée qui claque, lui privilégie la note qui sert. C’est une forme de retenue qui frustre parfois les fans qui veulent le voir “tout lâcher”. Mais c’est aussi cette retenue qui fait de lui un vocaliste respecté, surtout en Corée. C’est lui qu’on appelle quand il faut reprendre IU dans une unité vocale de Kingdom, aux côtés d’Eunkwang. Pas pour jouer la star. Pour porter la structure.


Entre les deux, il y avait Woojin. Le fantôme. Le pilier du passé. Celui dont on ne dit plus le nom, mais dont l’absence hurle dans les refrains des premières années. Avant son départ, il était tout ce que le groupe n’était pas : stable, chaleureux, rassurant. Pas flamboyant, mais sûr. Un hyung. Pas un leader, mais un point d’ancrage. C’est lui qui tenait les lignes les plus exigeantes. C’est lui qui parlait doucement aux plus jeunes en coulisse. C’est lui qui souriait pendant les répétitions tendues. Et puis un jour, il n’y a plus eu de Woojin.


Ce qui rend la Vocal Racha si particulière, c’est que leurs trois énergies ne s’alignent jamais vraiment. Il n’y a pas de synergie fluide. Juste une coexistence, souvent silencieuse. I.N amène le chaos, Seungmin structure, Woojin tempère. Ça ne crée pas un triangle. Ça crée un équilibre instable. Et c’est probablement pour ça que leur dynamique a toujours été plus implicite que visible. Pas de “Vocal Room”, pas de projets en trio. Juste des voix qui se croisent. Rarement ensemble, toujours complémentaires.


Et c’est là que ça devient intéressant : ce que leur manière d’occuper l’espace vocal dit de la dynamique du groupe. I.N a souvent été mis en retrait dans les premiers temps. Trop jeune, trop vert, trop instable. Mais il a compensé en créant une présence scénique à lui. Par l’humour. Par l’ironie. Par la surprise. Seungmin, de son côté, a toujours semblé plus adulte que son âge. Comme s’il savait déjà que dans une machine comme Stray Kids, l’endurance comptait plus que l’explosion. Il a pris son temps, gagné du terrain, imposé sa précision sans forcer le respect. Et Woojin, lui, a toujours semblé un peu en dehors du rythme effréné du groupe. Pas décalé. Juste plus posé. Moins dans la tension permanente. Ce qui, peut-être, annonçait déjà son départ.


On a souvent résumé Stray Kids à un noyau 3RACHA, une dance line féroce, et un duo international (Felix + Chan) calibré pour les caméras. Mais Vocal Racha, elle, n’a jamais été scénarisée. Et c’est peut-être pour ça qu’elle est restée aussi humaine. Trois trajectoires, trois rythmes, trois sensibilités. Aucune homogénéité. Juste des voix qui tiennent un groupe plus vite que ses ombres.


Dans les moments de creux, quand tout le monde court après un concept, c’est souvent l’un d’eux qui ramène au réel. I.N par sa désinvolture. Seungmin par son sérieux ironique. Woojin par son calme. Ce n’est pas la lumière qui les relie. C’est leur façon de l’éviter.


LE VIDE DE WOOJIN


Le 28 octobre 2019, JYP Entertainment publie un communiqué. Pas de teaser, pas d’annonce en live, pas de lettre manuscrite. Juste un texte, sans émotion ni détour. Kim Woojin quitte Stray Kids. Contrat résilié. Raison invoquée : “circonstances personnelles”. Cinq mots pour faire disparaître le chanteur principal d’un groupe à peine lancé. Cinq mots pour couper un lien de deux ans entre neuf membres. Cinq mots pour déclencher un tremblement de terre que personne n’avait vu venir.


À ce moment-là, Stray Kids est en préparation de comeback. L’EP Clé: LEVANTER est annoncé, teasé, presque prêt. Et soudain, tout est mis sur pause. L’album est reporté de deux semaines. JYP annonce officiellement le changement de date : “en conséquence du départ de Woojin, l’album sortira le 9 décembre.” Le message est froid, factuel. Aucun détail. Aucune précision sur les fameuses “circonstances”. Juste une note sur le planning. Business as usual.


Mais rien n’est habituel dans cette situation. Car jusqu’à la veille, Woojin était là. Sur scène. En répétition. En VLive. Et puis, d’un coup, il ne l’est plus. Ni sur les réseaux, ni dans les coulisses, ni dans les morceaux. C’est une coupure nette. Sans explication. Sans narration. Et dans un groupe aussi jeune, où la communication directe avec les fans est centrale, ce silence est un choc.


Bang Chan, en tant que leader, est le seul à prendre la parole de manière un peu plus personnelle. Il poste un message dans la nuit qui suit. Il y écrit qu’il a “le cœur lourd”. Il s’excuse pour le chaos, pour l’absence d’explication. Et il conclut par une phrase qui restera : “Je suis désolé de ne pas avoir pu protéger le nombre 9.” C’est tout. Aucune mention du nom. Aucun détail. Juste cette note de regret, d’impuissance, qui sonne comme une ligne de rupture autant qu’un aveu d’échec.


La gestion qui suit est méthodique. Tous les morceaux du nouvel album sont réenregistrés. Les parties de Woojin sont redistribuées à Seungmin, I.N, et parfois Chan. Dans certains cas, les lignes sont même supprimées. Dans d’autres, modifiées pour mieux coller aux nouvelles voix. L’ensemble est propre. Efficace. Presque chirurgical. Et c’est bien le problème. Ce qui choque, ce n’est pas le départ. C’est la rapidité avec laquelle il est effacé.


Les fans s’en rendent compte très vite. Sur YouTube, les vidéos d’anciens lives avec Woojin disparaissent. Sur VLive, certains replays sont modifiés. Dans les clips backstage, son visage est flouté. Sur les réseaux, aucune photo, aucune mention. Dans les SKZ-Talker, Two Kids Room, ou même dans les listings Spotify, son nom est supprimé. C’est une opération de nettoyage. Pas publique. Mais bien réelle.


Et ce silence absolu laisse place à l’inévitable : les spéculations. Très vite, les forums s’enflamment. Certains parlent de désaccords internes. D’autres d’un scandale que JYP voudrait étouffer. Des fans rappellent que Woojin semblait plus distant sur les dernières vidéos. D’autres sortent des captures où il regarde ailleurs pendant les VLive. Rien de concret. Juste des hypothèses, nourries par le vide. Car JYP ne dit rien de plus. Et les membres non plus.


Ce qui marque, c’est l’absence totale de recontextualisation. Pas de vidéo d’adieu. Pas de lettre. Pas même un message personnel de Woojin. Jusqu’à plusieurs mois plus tard, il reste silencieux. Et pour un fandom aussi connecté, cette absence est insoutenable. On commence à archiver les vidéos. À partager les fancams. À utiliser le hashtag #ThankYouWoojin pour tenter de construire un adieu que l’agence refuse de reconnaître.


Côté Stray Kids, la dynamique est bousculée. Chan prend le relais. Seungmin monte au front. I.N gagne des lignes. Mais pendant plusieurs mois, le groupe se déplace avec une absence. C’est visible dans les showcases, dans les enregistrements. La note la plus haute de Hellevator est reprise par Seungmin, mais ce n’est pas pareil. L’ad-lib final de “Miroh” est modifié. Sur scène, certains gestes sont laissés dans le vide, là où Woojin prenait le relais.


Le fandom, de son côté, se fracture. Une partie choisit le deuil discret. Une autre crie à l’injustice. D’autres encore commencent à effacer eux aussi. Dans les fanart, dans les tweets, dans les montages. Woojin devient un sujet sensible. À ne pas évoquer. À ne pas relancer. L’agence ne clarifie rien. Les membres ne répondent jamais. Même dans les Q&A où les fans insistent, la consigne est claire : pas de commentaire.


Et ce silence va durer. Il va durer même quand, en septembre 2020, Woojin réapparaît. Non pas dans un comeback. Mais dans une controverse. Un tweet anonyme. Une photo floue. Des accusations non sourcées. Et la rumeur reprend. On y reviendra. Mais à ce moment-là, une chose est déjà claire : la gestion du départ n’a pas permis de clore quoi que ce soit. Elle a juste déplacé la tension. De l’interne vers le public.


Dans une industrie qui scénarise tout, le non-dit est un choix. Il a un poids. Il crée des zones d’ombre. Il laisse le champ libre aux fantasmes. Et dans le cas de Woojin, ce vide a figé une version de lui que ni les fans, ni les membres, ni lui-même ne peuvent vraiment déconstruire. Il est devenu une absence active. Une donnée muette. Un point de départ pour les doutes, les projections, les manques.


Pour Vocal Racha, c’est plus qu’un départ. C’est une amputation. La disparition du point d’ancrage. Du référent technique. Et aussi, humainement, d’un lien. I.N et Seungmin ont rarement évoqué ce vide. Mais tout dans leur montée vocale, dans leur prise de rôle, dans leur intensité post-2019, montre qu’il a fallu rééquilibrer. Reprendre des lignes. Reprendre de la place. Reprendre confiance.


Woojin n’a pas été remplacé. Il a été réassigné. Dissous. Gommé. Et pourtant, dans chaque live où Seungmin monte dans les aigus, dans chaque performance où I.N tient une note, il reste cette trace. Ce souvenir d’un timbre qu’on ne commente plus, mais qu’on reconnaît instinctivement. Parce que c’est comme ça qu’on reconnaît un vide. À la manière dont les autres tentent de le remplir.


CHANTER PLUS FORT QUE LES CRITIQUES


Après 2019, tout le monde regarde 3RACHA. Est-ce qu’ils vont tenir la barre ? Est-ce que l’écriture, la production, le concept vont suivre ? Ce que beaucoup ne regardent pas, c’est la faille vocale. Stray Kids a perdu son main vocal. Et c’est peut-être la chose la plus compliquée à compenser. Un rappeur, on peut lui écrire de meilleures lignes. Un danseur, on peut le masquer dans la choré. Une voix, ça ne se remplace pas. Pas quand elle est centrale, pas quand elle porte les refrains. Et pourtant, c’est exactement ce que Seungmin et I.N ont dû faire.


L’un a dû monter. L’autre, rattraper. Et les deux ont dû encaisser, se réadapter, sans que personne ne leur laisse le temps d’apprendre à leur rythme. Pas parce qu’on leur a demandé explicitement. Mais parce que la place était vide. Et que la musique, elle, ne s’arrête pas.

Seungmin, c’est celui qui a repris le flambeau le plus frontalement. Il n’avait pas le timbre chaud de Woojin, ni la même tessiture. Il avait une voix claire, droite, structurée. Alors il a construit autour de ça. Il ne s’est pas jeté dans les ad-libs ou les screams rock. Il a consolidé. Et ça s’est vu très vite. Dans les lives de fin 2019, il reprend les refrains sans forcer. Il attaque moins fort, mais plus juste. Et au fil des mois, il étire sa tessiture. Il gagne en expressivité. Il monte sans casser. Il module.


Mais la reconnaissance, elle, mettra plus de temps. Il faudra attendre Kingdom: Legendary War pour que le public au-delà du fandom le remarque. Lors de l’épisode dédié aux unités vocales, il monte sur scène aux côtés de Jongho (ATEEZ) et Eunkwang (BTOB), deux vocalistes reconnus pour leur puissance. Le trio reprend “Love Poem” d’IU. Et là, Seungmin se fond dans le niveau. Pas d’effet de style. Pas de note forcée. Juste une ligne propre, sincère, stable. Il ne cherche pas à voler la lumière. Mais il devient indispensable à la cohérence de la performance. Eunkwang lui-même le félicite. Et sur les forums coréens, ça réagit. “Le vocaliste de Stray Kids est solide.” Pas spectaculaire. Solide.


Dans le même temps, Seungmin commence à publier régulièrement des covers sur YouTube. Des titres de DAY6, son groupe fétiche. “You Were Beautiful.” “Zombie.” “I Loved You.” Des chansons techniques, pleines de nuances, loin du style SKZ. Et il les chante sans détour. En pleine voix. Parfois debout, parfois assis, toujours précis. Ces vidéos accumulent des millions de vues. Elles deviennent des cartes de visite. Des preuves. Il n’est plus le vocaliste “secondaire”. Il est l’assurance. Celui qui peut tout chanter, sans bruit autour.


Pendant ce temps, I.N suit une autre trajectoire. Moins linéaire. Plus risquée. Il part de plus loin. En 2018, sa voix est perçue comme instable. Nasale. Faible en projection. Les critiques fusent. Sur les lives, sur les fancams, sur les forums. Ce n’est pas méchant. C’est cruel, mais clinique. Il n’a pas la voix d’un chanteur principal. Pas encore.


Mais là où beaucoup auraient reculé, lui, il travaille. Il passe de l’ombre à la répétition. Il absorbe. Il transforme. Il change de posture. Il muscle sa voix. Il corrige ses appuis. Et à partir de 2020, les résultats s’entendent. Dans les refrains, il tient des lignes plus longues. Il stabilise. Il module mieux. Sur des titres comme “Ex” ou “Slump”, il devient audible. Et dès qu’il gagne en confiance, il joue avec. Il ajoute des inflexions. Des micro-variations. Il ne copie pas Woojin. Il fait du I.N, version 2.0.


Mais c’est sur scène qu’il va surprendre tout le monde. Lors de la tournée mondiale 2022–2023, il présente un solo inattendu : une reprise de “Creep” de Radiohead. Seul, guitare à la main. Pas de gimmick. Pas de backtrack. Juste lui. Une voix nue. Un anglais parfait. Et une intensité qu’on ne lui connaissait pas. Sur YouTube, les fancams deviennent virales. Les fans redécouvrent ce maknae qu’ils pensaient cantonné aux harmonies. Rolling Stone UK, qui assiste au concert de Londres, souligne “à quel point sa voix a mûri, incorporant des éléments rock maîtrisés”. Et c’est vrai. Il ne force pas. Il ne joue pas un rôle. Il est là, présent, dans sa voix. Et c’est peut-être la chose la plus rare à cet âge.


I.N, c’est la revanche discrète. Celle qui ne dit pas son nom. Celle qui ne s’annonce pas, mais qui s’impose. Par le temps. Par la justesse. Par le travail.


Et ensemble, lui et Seungmin réussissent l’improbable : ils reconstituent un équilibre vocal dans un groupe qui avait perdu sa colonne. Non pas en copiant. Mais en redistribuant. En recomposant. En adaptant le son SKZ à leurs timbres. Ce n’est pas une prise de pouvoir. C’est une reconstruction.


Stray Kids n’a jamais revendiqué une supériorité vocale. Ce n’est pas leur branding. Et pourtant, sur les dernières années, les performances live sont devenues plus stables. Les refrains plus maîtrisés. Les high notes plus justes. Et les encore stages, ces moments de vérité où tout est chanté sans filet, sont devenus des terrains de jeu pour Seungmin et I.N. Sans effets. Sans playback. Sans stress visible.


Ils n’ont pas demandé qu’on les remarque. Mais à force de constance, ils ont fini par s’imposer. Pas comme les vocal kings de la K-pop. Mais comme ce qu’ils sont réellement : deux chanteurs fiables, expressifs, et surtout nécessaires. Des piliers invisibles. Jusqu’à ce que tout le monde les voie.


MIROIRS DÉFORMANTS : PERCEPTION VOCALE LOCALE VS. GLOBALE


Le paradoxe de Stray Kids, c’est qu’ils sont un phénomène international porté par une base domestique longtemps tiède. Pendant que les STAYs du monde entier hurlent les lyrics de “Topline” dans des stades pleins à craquer, la Corée du Sud, elle, met du temps à suivre. Ce décalage de perception n’est pas nouveau, mais il est particulièrement flagrant quand on regarde Vocal Racha. Parce que ce que le public coréen entend n’est pas toujours ce que le reste du monde écoute. Ou plutôt : pas avec la même grille.


Prenons Seungmin. Dans l’écosystème anglo-saxon, il est souvent perçu comme l’underrated king. YouTube regorge de vidéos “Seungmin being Stray Kids’ secret weapon”, avec des titres en caps lock et des thumbnails sursaturés. Il est valorisé pour sa stabilité vocale, son anglais fluide, sa diction parfaite. Sur les fanbases américaines, il est vu comme un porte-parole, une figure fiable. Et surtout, un vocaliste “safe” dans un groupe connu pour sa folie sonore.


En Corée, c’est autre chose. Pendant longtemps, il a été perçu comme… plat. “Trop propre.” “Pas assez d’identité.” On lui reconnaît sa justesse, mais pas forcément son charisme. Certains forums évoquent même son timbre comme “trop commun pour se démarquer.” Il faudra attendre Kingdom et des stages plus dramatiques pour qu’il sorte de cette image. Et encore, l’étiquette de “remplaçant de Woojin” continue de lui coller à la peau dans les commentaires coréens. Comme si sa légitimité vocale n’était jamais complètement admise.


Côté I.N, le décalage est encore plus flagrant. A l’international, il a subi très tôt le revers de son timbre particulier. Voix nasale, instabilité en live : les critiques pleuvaient en 2019–2020. Les fancams avec des commentaires type “why does he sound like that?” ont circulé pendant des mois. Et pourtant, depuis 2022, la tendance s’inverse. Les fans non coréens commencent à célébrer son évolution. Sa performance de “Creep” a généré un regain massif d’intérêt. Reddit, TikTok, Twitter (oups, pardon : X) regorgent de clips où des anglophones découvrent son timbre comme une “raw gem”. Il est soudain perçu comme vulnérable, touchant, unique. Là où la K-pop est souvent hyper-polishée, sa voix devient une accroche émotionnelle.


En Corée, c’est plus mitigé. Les fans locaux reconnaissent l’effort, mais ne l’associent pas toujours à une montée en puissance. Son image reste très liée à son statut de maknae. Il est vu comme l’enfant du groupe, le “cute boy” plus que le chanteur accompli. Et il faut bien dire que JYP, dans sa stratégie visuelle et médiatique, ne l’a pas aidé à casser ce carcan. Il est mis en avant pour ses réactions en variety show, ses blagues awkward, ses moments mignons. Résultat : sa crédibilité vocale est encore souvent reléguée au second plan.


Et puis il y a Woojin. Là aussi, le décalage est brutal. Avant son départ, il avait une image solide en Corée. Vocal trainee chez SM, voix pleine, vibrato maîtrisé, présence scénique rassurante. Pour beaucoup, il était la caution vocale de Stray Kids. À l’international, son impact vocal a toujours été un peu plus discret. Moins célébré que Chan, moins viralisé que Han, moins visuel que Hyunjin. Et après 2019, les perceptions se sont figées… ou polarisées. En Corée, on l’oublie. À l’étranger, on le réécrit. Il est soit “the one who left”, soit un fantôme qu’on évoque en sourdine, avec une nostalgie floue.


Tout ça soulève une question cruciale : qu’est-ce qu’on valorise dans une voix ? La justesse ? L’émotion ? L’histoire qu’elle porte ? Parce que Vocal Racha, dans son ensemble, ne se réduit pas à une ligne de partition. C’est un système d’équilibre. Trois sensibilités. Trois trajectoires. Trois perceptions. Et ce système est constamment filtré, réinterprété, par les audiences qui l’écoutent.


Il y a une ironie délicieuse là-dedans : dans un groupe connu pour son chaos maîtrisé, ce sont les voix les plus calmes, les plus subtiles, qui divisent le plus. Pas parce qu’elles manquent de force, mais parce qu’elles demandent à être écoutées. Vraiment. Et ça, c’est peut-être ce qui rend Vocal Racha si essentiel : ils obligent à prêter l’oreille, pas juste à réagir.


CONCLUSION


Au fond, peut-être que c’est ça, la vraie signature de Vocal Racha. Pas des voix qui s’imposent, mais des voix qui tiennent. Des voix qui apprennent. Qui plient, qui se tendent, qui progressent en silence pendant que les autres hurlent. C’est pas clinquant. C’est pas spectaculaire. Mais c’est ce qui fait que le château de bruit ne s’est jamais effondré.

Alors, la prochaine fois que vous écouterez un titre de Stray Kids, faites un truc simple : tendez l’oreille. Pas pour le drop. Pas pour le scream. Juste… pour la ligne vocale qui traverse tout. Celle qu’on remarque pas toujours, mais qui fait tout tenir debout.


Parce que maintenant que vous avez rencontré 3RACHA, dans l’œil du cyclone, puis Dance Racha, dans le corps en mouvement, et Vocal Racha, dans la cage thoracique… Il est temps de s’attaquer au monstre entier.


Prochain épisode : "Stray Kids, partie 1". Plus de sub-unit, plus d’excuse. On ouvre les vannes. L’usine, le mythe, les fractures, la machine. Huit garçons, un empire, et des kilomètres de paradoxes. Accrochez vos lacets. Ce sera brutal.


Et d’ici là — si cet épisode vous a bousculé, éclairé, ou juste passionné — pensez à le partager, à le noter, à le hurler dans la rue si vous êtes dramatiques (et vous l’êtes). C’est le moment parfait pour soutenir le projet.


Tous mes épisodes sont dispo sur Patreon, avec des contenus bonus exclusifs. Vous y trouverez aussi mes livres, mes musiques, mes vidéos, et tout ce qui fait vivre cet univers. Si vous voulez que "Cappuccino & Croissant" survive à l’algorithme, c’est là que ça se passe.


Je suis Harmonie de Mieville. Vous venez d’écouter un nouvel épisode de la série Racha Files. Et quelque part entre les harmoniques, les fantômes et les refrains étouffés… il reste encore beaucoup à dire.


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